France : terribles révélations sur la surveillance massive. Edward Snowden: la Suisse, la CIA et son possible refuge en Suisse!

Publié le par José Pedro

France : terribles révélations sur la surveillance massive

 

France : terribles révélations sur la surveillance massive

Les services secrets volent "des milliards de données" aux Français avec la plateforme nationale de cryptage et de décryptement (PNCD), selon "Le Monde".

C'est bien pire que ce que l'on craignait. Selon les informations du Monde, la France a mis en place depuis 2007 un système de surveillance massive qui dépasse les pires craintes des défenseurs des libertés. La plateforme nationale de cryptage et de décryptement (PNCD), installée "pour l'essentiel" dans les bâtiments du siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à Paris, dispose des plus puissants calculateurs de France et intercepte puis stocke "des milliards de données françaises et étrangères".

Gérée par la DGSE, les espions qui assurent la préservation des intérêts français hors du territoire national (en théorie...), la PNCD est aussi une source majeure d'informations pour les autres services de renseignement, tels que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), mais aussi les services militaires (DPSD et DRM), financiers (Tracfin, contre le blanchiment) ou encore douaniers (DNRED). Et ce, en dehors de tout contrôle démocratique.

"Sans aucun filtre"

"Cette consultation ne se fait sans aucun filtre, ni ceux des ministères de tutelle, ni celui de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)", écrit le quotidien du soir. Au nom de l'intégration, les services de renseignement intéressés ont même installé des agents directement au siège de la DGSE pour mieux piocher dans les millions de téraoctets d'informations stockées, et déchiffrées par les calculateurs lorsqu'elles sont protégées.

"Et c'est pas fini", comme dirait la pub. Les services étrangers se servent eux aussi allègrement dans les données volées par la France à ses citoyens et aux internautes étrangers. Selon Le Monde, l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) et son homologue britannique, le GCHQ, s'adressent régulièrement à la DGSE pour récupérer des "blocs" concernant des régions du monde particulièrement surveillées par la France, dont notamment le Sahel. Ces blocs, qui contiennent parfois plusieurs mois d'archives pour des régions entières, sont échangés contre des informations sur les ennemis de la France. Ces pratiques peuvent aussi alimenter des cyberguerres entre alliés, comme on l'a vu lorsque la Grande-Bretagne a piraté l'opérateur belge Belgacom afin de voler les données des institutions européennes de Bruxelles pour les transmettre à Washington.

Fausse opération transparence à Matignon

Ces révélations tombent mal, au moment où le gouvernement fait la promotion de son projet de loi sur le renseignement, qui est examiné par l'Assemblée à partir de lundi. Si cette loi est effectivement nécessaire pour donner un cadre légal à certaines habitudes aujourd'hui clandestines mais vitales pour la sécurité et la préservation des intérêts de la nation, elle ne traite absolument pas de la PNCD et n'y changera rien. En l'état du texte, cette plateforme restera clandestine et sans contrôle démocratique, pas même a posteriori.

Il y a quelques semaines, Matignon avait convié des journalistes (dont Le Point.fr) à une réunion informelle pour expliquer les objectifs de la loi. Le but était de déminer les critiques prévisibles sur certaines mesures, comme celle prévoyant d'installer des mouchards chez les opérateurs télécoms et ainsi de "profiler" l'ensemble des internautes. Responsables de cabinets ministériels (Intérieur, Justice et Défense, notamment) et autres cadres du renseignement (dont la DGSE) avaient alors juré que la France ne surveille pas - et ne surveillera pas avec l'adoption de cette loi - ses citoyens de façon massive. Soit ils ignoraient la vérité, et c'est une terrible faille pour la démocratie, soit ils se sont moqués des journalistes présents et, surtout, de leurs lecteurs.

La loi sur le renseignement rendue inutile

Dans les deux cas, la tentative d'opération transparence du gouvernement est totalement discréditée, et l'objectif de la loi sur le renseignement, c'est-à-dire fixer un cadre légal aux pratiques clandestines, tombe à l'eau, puisqu'il restera un monstre caché dans l'ombre : la PNCD.

Espérons que les députés et les sénateurs introduiront des amendements au projet de loi. Ils pourraient par exemple soumettre la PNCD au contrôle de la nouvelle Commission de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) prévue par la loi, limiter la fuite d'informations sur les citoyens français vers les alliés étrangers ou encore borner la quantité de données recueillies et analysées chaque jour. Mais puisque cette plateforme n'existe officiellement pas, difficile d'exiger sa régulation. Et au regard du tragique consensus droite-gauche sur la sécurité face au spectre terroriste, il est peu probable que les élus réclament des changements de fond avant de voter le texte.

http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/guerric-poncet/france-terribles-revelations-sur-la-surveillance-massive-13-04-2015-1920630_506.php

 

 

Edward Snowdla Suisse, la CIA et son possible refuge en Suisse
Pardonnez-moi avec Edward Snowden Info / 24 min. / Le 20 mars 2015
Le verbatim de l'interview d’Edward Snowden par Darius Rochebin réalisée en public lors du Festival international du Film et Forum sur les Droits Humains et diffusée dimanche 22 mars dans l'émission Pardonnez-moi.

L’ancien agent de la NSA, qui a été en poste à Genève, détaille ses souvenirs sur le rôle des services secrets suisses. Il les décrit comme « sous emprise » américaine dans plusieurs domaines, et affirme que les agents américains travaillent en Suisse sans crainte du contre-espionnage helvétique.

L’homme qui a révélé l’ampleur des programmes de surveillance de masse américains, touchant les e-mails des simples citoyens jusqu’au téléphone portable d’Angela Merkel, s’explique aussi sur ses espoirs d’obtenir l’asile en Suisse et sur ses motivations personnelles.

Darius Rochebin: Qu’est-ce qui est humainement le plus dur pour vous ? Vous êtes en exil, vous subissez une pression incroyable. Qu’est-ce qui est le plus difficile ?

Edward Snowden: J'ai payé le prix fort. Je ne peux pas voir ma famille aussi souvent que je le pouvais. Je ne peux pas voir mes amis, mes collaborateurs, mes collègues. Je ne peux plus faire le travail où je pensais pouvoir amener quelque chose. Et je ne peux plus voir mon chez moi. Mais je n'ai pas le sentiment d'avoir échoué. Je ne me sens pas déprimé. Je me sens plein d’énergie et encouragé. Et je me réjouis de me réveiller tous les matins ! Parce que, malgré ce que j'ai perdu, j’ai la possibilité de faire ma part. Je sais que, gagnant ou perdant, j'ai essayé de changer les choses. Et, jusqu’à un certain point, je pense que je l'ai fait.

Dans la cérémonie des Oscars, il y a ce moment extraordinaire à votre sujet, quand on fait le jeu de mot entre raison et trahison. Est-ce vrai que ça vous a fait rire ?

Oui, c'est vrai. La majorité des gens qui ont vu ça ont eu le sentiment que c'était quelque chose d’outrageant et une insulte impardonnable. Mais, pour ma part, je pense que nous devons garder le sens de l'humour. Personne n'est au-delà de la critique. Certains disent : « Vous êtes un traître, c’est de de la trahison. » Moi, je réponds : c'est ok ! Mon pays est né d'un acte de trahison ! À l'origine, nous étions une colonie de la Grande Bretagne. Et s'il n'y avait pas eu des gens pour se mettre debout et pour transgresser la loi, mon pays et ses valeurs n'existeraient pas. Il y a une citation célèbre disant : si c'est de la trahison, il faut en profiter un maximum ! Je crois que c'est tout ce qu'il y a à dire ...

Quel était votre rêve ? Quand vous êtes entré à la CIA, vous saviez que vous n’entriez pas au service d’une chorale. Vous aviez un rêve qui a été déçu visiblement… C’était quoi ?

Le concept du renseignement n'est pas comme dans les films. Cela ne devrait jamais être comme ces fantaisies à la James Bond, où l’on force des bâtiments, on tue des gens, on brûle des maisons, des bases militaires. En réalité, il s'agit de protéger les sociétés, les civilisations et des collectivités. Non par des actes criminels. Mais plutôt en trouvant la vérité. En étant prêt à exprimer cette vérité aux personnages les plus puissants de votre gouvernement, pour être sûr que leur politique soit en ligne avec les faits. La plus grande tragédie, après le 11 septembre, c’est que les politiques de notre gouvernement ont divorcé des faits. On a commencé une guerre sur la base de fausses informations, dont les plus hauts personnages dans gouvernement savaient qu’elles étaient fausses !

Est-ce que vous croyez qu’un procès honnête est possible pour vous aux Etats-Unis ?

Je travaille activement avec mes avocats pour essayer d'obtenir les garanties d'un procès honnête aux États Unis. Malheureusement le ministère de la Justice n'a voulu accepter aucun arrangement à cet égard.  La seule chose qu'ils ont dite jusqu’à présent est qu'il n’allaient pas m’exécuter ! Je pense que tout le monde se sentirait un peu plus à l'aise en entendant ça ...  Mais ce n'est pas la même chose que d'accepter un procès juste et ouvert. Nous ne voulons pas de présentation secrète des preuves. Pas de témoins secrets. Pas d'interprétations secrètes de la loi. Et sur ces points, le gouvernement n'a pas accepté de compromis, ni même d'entrer en matière.

Vous avez toujours dit être patriote. Est-ce que le but pour vous est de retourner aux Etats-Unis ?

Absolument. Je l'ai toujours dit. Parce que pour moi le patriotisme n'est pas une question d'aimer un gouvernement, le patriotisme c'est aimer un pays. Le patriotisme, c'est aimer son peuple, en essayant de faire le mieux possible pour lui. Il ne s'agit pas de dire que le gouvernement a raison quelles que soient ses décisions. Parce que les gouvernements ont souvent tort. Les gens qui vraiment aiment leur pays sont ceux qui se lèvent, qui disent ce qui ne va pas et qui essaient de le corriger. 

En Suisse, vous dites avoir compris beaucoup de choses. Vous dites aussi que la Suisse était une plaque tournante pour le renseignement et la surveillance de masse. C’est toujours le cas ?

C'est toujours le cas. Je n'ai pas d'informations classifiées récentes, bien sûr. Je n'y travaille plus ! Mais la raison qui a rendu la Suisse si intéressante, comme capitale de l'espionnage - en particulier Genève - n'a pas changé. Ce sont toujours les sièges internationaux, les Nations Unies, l'OMC , l’OMS , le CICR. Il y a des représentations des gouvernements étrangers , les ambassades, les organisations internationales, les ONG… Quantités d'organisation, et tout cela dans une seule ville ! Vous avez des flux exceptionnels de capitaux et d'argent à Zurich . Vous avez une plaque tournante des accords bilatéraux et des échanges internationaux à Berne . Donc en Suisse, je peux le dire, il y a toujours une présence active des États-Unis en ce qui concerne l'espionnage.  Malheureusement, la question n'est pas tellement de savoir si la Suisse doit créer des lois plus strictes ou créer des pouvoirs supérieurs pour surveiller les gens ... Ce n'est pas un problème de pouvoir relatif ... C'est plutôt le fait de poursuivre les mauvais comportements, quand on a des motifs de soupçons.  Cela voudrait dire appliquer les règles qui sont déjà en vigueur ! L'espionnage est illégal en suisse, déjà. Vous n'avez pas besoin d'une nouvelle loi ou d’une autorité pour le dire. Il suffirait simplement d'enquêter sur les cas que vous trouvez et d'aller jusqu'au bout, et de poursuivre l'enquête de manière juste ... Sans tenir compte de qui est accusé.

Quand vous étiez agent à Genève, est-ce que vous aviez une crainte du contre-espionnage suisse ou est-ce que vous agissiez librement ?

Oh non, on n’avait aucune crainte ! Les services suisses n'étaient pas considérés comme une véritable menace ... Par comparaison avec les services français, qui, eux, constituaient une menace. Les services français sont connus pour être sophistiqués et agressifs. Les services suisses sont aussi très compétents et très professionnels. Mais ils sont petits.  Et par bien des façons ils sont sous emprise américaine ! La Suisse se présente comme neutre, dans les relations internationales, et dans beaucoup de cas c'est vrai. Mais, hélas, dans le domaine du renseignement, ce n'est pas tout à fait le cas. Je ne veux pas mentionner spécifiquement telle accusation ou telle controverse ... Cela ne devrait pas être à moi de décider quelles informations doivent être rendues publiques ou non ... C'est le rôle des institutions de presse. Mais pourtant il est bien établi qu'il y a eu des opérations de la CIA en Suisse , des agences de la CIA engagées dans des dossiers d'armes de destructions massives, des gens impliqués dans la prolifération nucléaire qui étaient engagés dans des violations extraordinaires de la loi en Suisse, en Allemagne et dans les régions limitrophes . Et malheureusement, il y avait une influence politique dans ces cas... Et cela montait jusqu'au plus haut niveau du gouvernement ... C'est la raison pour laquelle des représentants du gouvernement américain, même quand ils transgressent des lois en Suisse, éprouvent un certain niveau de confort, sachant qu'il n'y aura ni conséquences ni répercussions. 

Quelle est votre situation actuellement ? Les Etats-Unis ont annulé votre passeport, c’est bien ça ?

Oui . J'étais en route pour l'Amérique latine pour demander l'asile en Equateur . Mais, hélas, dès que j'ai quitté Hong Kong, les États Unis l'ont appris et ils ont annulé mon passeport, ce qui m'a bloqué sur place, en Russie ... Je n'ai jamais choisi d'être en Russie. J'y ai été forcé. Et pendant que j'étais à l'aéroport en Russie j’ai demandé l'asile à 21 pays dans le monde, la majorité étant à l'Ouest et au centre de l'Europe . Malheureusement, aucun pays européen n'a donné son accord pour m'offrir l'asile . Donc Je reste ici. 

Quel autre sanctuaire est possible ? Vous ne pouvez pas rester indéfiniment en Russie.

Il semble assez probable - on parle en termes pratiques – que mon gouvernement ne me laissera jamais quitter la Russie. Les États Unis ne veulent certainement pas me voir voyager. Mais il est possible, à n'importe quel moment, qu'un gouvernement européen ne soit plus d'accord avec cette politique de mise en exil. J'aimerais beaucoup retourner dans un endroit comme la Suisse ! Certains de mes meilleurs souvenirs sont à Genève . 

Certains en Suisses aimeraient vous faire venir comme réfugié politique. Sérieusement, est-ce que ce serait intéressant pour vous ?

Je crois que la Suisse serait une excellente option politique . De par sa neutralité historique et du fait de son rôle dans le passé. Cela permettait à la Suisse d’affirmer, de manière polie, que la neutralité est importante. Que le droit est important, que les lois sont importantes et que la liberté est importante ! En même temps, elle ne pourrait pas être accusée d'entreprendre des activités anti américaines, comme d'autres gouvernements peuvent être accusés de le faire. Je pense que ce serait quelque chose d’acceptable pour les États-Unis, en dépit de ce qu'ils clameraient publiquement. Mais, à la fin, ce n'est pas une question pour moi et le gouvernement américain ou qui que ce soit d'autre. C'est une discussion entre les citoyens suisses, leurs politiciens et le Conseil fédéral. 

Barack Obama a dit que vous n’étiez pas patriote . qu’est-ce que vous lui répondez ?

C'est ok d'avoir ces désaccords ! C'est pas à moi de dire au président des États Unis ce qu'il doit penser ou non. Ce serait arrogant et incorrect ... Il a certainement une opinion différente, là où il est. Mais maintenant, deux ans après que ces accusations ont été proférées contre moi, nous pouvons juger, non pas en termes d’émotions ou de personnes, mais sur les faits et sur l'histoire. Il a dit que j'avais rendu mon pays et d'autres pays dans le monde moins sûrs. Que j'allais coûter des vies humaines. Que des soldats américains allaient mourir, que j'aurais du sang sur les mains. Si on regarde en arrière, en juin 2013, c'était une période terrifiante. Personne ne comprenait vraiment ce qui se passait . Ils pensaient que j'étais un espion chinois, que j'étais un espion russe. Dieu seul sait ce qu'ils disent de moi maintenant. Mais quand on examine les choses, en réalité on est plus en sécurité maintenant qu'on ne l'a jamais été auparavant. On n’a pas vu le nombre de soldats tués augmenter. Au contraire il a diminué. Il y a moins de victimes maintenant. Il n'y a pas eu d'attaques extraordinaires pendant cette période. En fait, les attaques terroristes récentes qui ont eu lieu ont été commises par des individus que les services de renseignement connaissaient déjà auparavant. Le problème n'était pas la remise en question des programmes de surveillance de masse. Lors des attaques comme celle de Charlie Hebdo, en France, ils ont dit plutôt que c'était parce qu'ils n'avaient pas les moyens de surveiller ces individus. On doit  se demander pourquoi c'est comme ça. Moi je pense que les programmes de surveillance de masse qui nous surveillent tous électroniquement sont très chers. Ils requièrent de la science, de la recherche et des programmes informatiques très coûteux. Il demandent d'adapter les lois, ils mobilisent l'attention des parlementaires et des gens de lois. Ce sont des ressources qui pourraient être déployées ailleurs. On aurait pu les allouer aux méthodes traditionnelles, à l'ancienne ! Des méthodes de police qui elles, ont fait leurs preuves ! On sait qu'elles peuvent prévenir des attaques terroristes et qu'elles sont efficaces, plutôt que ces méthodes de surveillance de masse dont l'efficacité n'est pas prouvée. Vous devez me croire sur parole. A la veille de 2013 la Maison Blanche et le président ont nommé deux commissions indépendantes qui ont eu un accès complet aux documents secrets et aux informations classifiées. Ils ont pu interroger tous les dirigeants des services secrets. Et ils ont obtenu la version de l'histoire qu'ils refusent de nous dire, sur l’efficacité de ces programmes. Le résultat du travail de ces deux commissions est que la surveillance de masse, bien que mise en place il y a une dizaine d'années, n'a jamais arrêté une seule attaque terroriste. La question est : pourquoi est-ce qu’on continue à investir des ressources et de l'argent dans des programmes dont on sait qu'ils ne sont pas efficaces ? Dont on sait qu'il n'assurent pas notre sécurité ? 

Est-ce que vous mettez encore de l’espoir en Barack Obama dans votre combat ?

J'essaie de ne pas me concentrer sur moi-même , parce que, finalement ce qui m'arrive à moi n'est pas important . Cela semble insensible de dire ça.. Mais, au-delà de ce que vous pensez moi, que vous me regardiez comme un héros ou un terrible traître, je n'ai été que le mécanisme de la révélation, .... Ceux qui ont poussé pour que ça sorte, ce sont les institutions comme la presse, les journaux, les militants, les avocats, des citoyens ordinaires. Ils ont dit que nos droits sont importants et qu'il faut agir. Si on remet ça dans le contexte du président, le sujet n'est pas de savoir s'il va faire quelque chose me concernant mais ce qu'il fera pour nous. Le président des États Unis aujourd'hui a le pouvoir, sans changer aucune loi, de lever simplement son stylo et de mettre fin aux programmes qui actuellement surveillent et enregistrent les conversations téléphoniques de tous les Américains. 330 millions de personnes. 330 millions de personnes, dont les données privées sont interceptées , stockées et analysées sans qu'elles soient suspectées d'aucune activité criminelle. Il pourrait mettre fin à ça aujourd'hui.

Est-ce que les programmes de surveillance de masse ont été maintenant changés, ou étaient-ce seulement des promesses ?

Ils n'ont pas été changée façon substantielle, il y a eu quelques changements mineurs de politique . Ils ont dit : « ok, nous continuerons à collecter toutes vos données. Si vous êtes un citoyen étranger, vous ne disposez d'aucune protection juridique indiquant que nous allons vous espionner moins activement.  Quand nous publierons des rapports sur vos activités nous cacherons vos noms si ce n'est pas important » et ce genre de choses… Mais ils sauront pour qui vous travaillez, ce que votre entreprise produit, à qui elle vend, qui sont vos amis, avec qui vous couchez, à qui vous parlez au téléphone. Ils vous diront : « ce ne sont pas les parties importantes de ce rapport, nous verrons bien quelle partie nous intéresse ! » C'est mieux que rien, mais cela demeure une violation très grave de nos droits. 

Est-ce qu’il y a selon vous une tentation totalitaire de la NSA et du système américain ?

Je ne pense pas que les gens qui travaillent à la NSA soient des gens méchants. Je ne pensent pas qu'ils veuillent blesser qui que ce soit, violer les droits de qui que ce soit. Je suis bien placé pour le savoir. J'étais l’un d'entre eux, Je leur parlais. Ils avaient les mêmes préoccupations que les miennes ou que les vôtres. Mais ils pensent qu'ils sont impuissants à changer les choses, parce que ces décisions se prennent à un niveau bien supérieur. Ils croient aussi que le résultats de ces activités est bon. Ils se disent : si nous parvenons à stopper une attaque, ça justifie tout. Même si aucune attaque n'a été stoppée sur cette base pour l'instant. Cela fait partie du défi de reconnaître que même des gens avec de bonnes intentions peuvent commettre des actions dangereuses et mauvaises.

Est-ce qu’une autre vie est possible après tout ça ?

J'espère ! A vous de me le dire ! 

Laquelle ? Est-ce qu’une autre vie est possible après une aventure pareille ?

Pour le moment, je suis très fortement investi dans le projet d'aller de l'avant dans la communauté technologique, avec des collègues actifs dans la recherche sur informatique et sur l'anonymat. Il s’agit de trouver des méthodes pour protéger nos communications tout autour du monde. Si on y réfléchit, en termes de lois, c'est assez difficile. Vous pouvez faire passer  les meilleurs lois pour protéger la sphère privée que l'histoire ait jamais vu ... En Suisse, en Allemagne ou en France ... Mais dès que vos communications passent la frontière électroniquement, elles sont soumises à des lois différentes. Et ces changements de loi seront exploités . Le résultat de tout ça est que les lois ne peuvent protéger nos communications, nos vies privées qu'à l'intérieur des frontières de notre propre pays. Si nous voulons protéger les droits de l'homme des personnes au-delà, défendre les droits de l’homme en Chine, en Afrique, en Irak, en Corée du Nord, en Amérique latine, et même aux États-Unis, cela peut être fait uniquement au niveau des systèmes que tous les pays du monde emploient. C'est là-dessus que je me concentre, et ce sera la deuxième phase de ma démarche. 

Qu’est-ce qui vous manque dans la vie quotidienne aujourd’hui ?

Vous savez, il y a cette atmosphère très particulière à Genève, qui est très différente de beaucoup de villes de par le monde. En ce sens qu’on rencontre tant de Gens qui ont des valeurs si opposées, une telle diversité, mais qui trouvent tous des moyens de mettre cela de côté, de cohabiter, de vivre ensemble, et de créer  une société vibrante et mélangée. Quand vous marchez au bord du lac, aux Fêtes de Genève par exemple, en regardant les feux d'artifice, vous regardez à gauche, à droite : les gens parlent des langues différentes, leur peau est de couleur différente mais vous pouvez sentir qu'on fait tous partie du même monde et de la même humanité. C'est quelque chose de très beau et ça me manque beaucoup. 

Vous êtes si américain Edward Snowden, est-ce que la logique des EU n’est pas forcement impériale, est-ce que ça peut changer ?

Je crois qu'on commence à se détourner de l'idée que les États Unis doivent être assis au sommet du monde et dicter le résultat de toute décision dans toutes les sociétés. Parce que ce sont des politiques de conflit. Et bien qu'elles puissent  fonctionner, et être politiquement bénéfiques à certaines classes de personnes, à certains membres de l'élite, elles ne sont pas bonnes pour les sociétés. Je ne parle pas seulement de la communauté internationale, et de savoir si le monde est d'accord avec ça. Beaucoup d'Américains ne sont pas d'accord avec ça ! Je pense que c'est mauvais pour les Américains aussi. A la fin, si on mène des politiques qui ne diminuent pas le niveau de violence dans le monde, nous risquons davantage de conflits par des positions politiques musclées et agressives. Inévitablement, cela va générer un accroissement de la violence et des tensions qui ne bénéficient à personne. 

Darius Rochebin

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